Ahhhh les retours, pas faciles! Pourquoi donc, quand on quitte l'Afrique, c'est comme si on nous arrachait une partie de soi-même!? Je réfléchis beaucoup à tout ça ces temps-ci... Mais pourquoi donc on ne pense qu'à retourner en Afrique une fois qu'on y est allé??? Pourtant, bien des choses pourraient faire qu'on ait envie de rentrer chez soi, tellement de choses en fait! Mais pourquoi donc, quand on est en Afrique, on a jamais envie de rentrer? Malgré la pollution, la corruption, la criminalité, la pauvreté et le je-m'en-foutisme d'un gouvernement vis à vis de son peuple, sans oublier les conditions rustiques, la douche au seau d'eau, les toilettes turques, les insectes, la chaleur accablante, la poussière, la moustiquaire pour dormir, les nuits sans courant ni ventilo et les 4 jours par semaines où il n'y a pas d'eau... malgré tout ça, la Guinée nous rentre dans la peau et le coeur et on ne pense qu'à y retourner dès qu'on la quitte. Pourquoi? Hummmmm... Et bien moi, j'y suis restée assez longtemps pour comprendre pourquoi! Je me suis dit que ça vous intéresserait peut-être que je partage ça avec vous! En tous cas, si ça ne vous intéresse pas, et bien moi je vous invite à lire quand-même! Juste pour que vous sachiez un peu... Parce que ce qu'on découvre en Afrique, c'est très important, pour nous, les toubabous qui ont TOUT mais qui sont en perpétuelle quête du bonheur, cette chose après laquelle on court mais qui semble toujours avoir quelques longueurs d'avance sur nous. On est toujours fatigués, en train de se demander si notre vie a un sens, si on est pas en train de passer à côté de quelque chose...
Quand on vient d'un pays où il ne manque de rien où règne la paix et qu'on s'installe pour une longue période dans un pays en développement, et qu'on vit le quotidien avec notre peuple d'accueil, on ne peut faire autrement que de prendre conscience de notre propre façon de vivre et de nos propres valeurs et de développer un regard critique; on ne peut pas faire autrement que de prendre du recul par rapport à d'où on vient et qui on est comme individu dans cette société qui nous apparaît sous un tout nouveau (et pas toujours beau) jour...
Le Québec et la Guinée, c'est un peu comme deux planètes complètement différentes! Il y a du bon et du mauvais sur les deux planètes. Mais le bon de la Guinée, quand on le découvre, on a envie de le faire sien, on a envie de s'y incruster...
En Guinée, la vie est à son plus simple et à son plus compliqué en même temps! C'est un pays de contradictions, auquel on s'attache profondément. Pourquoi? Et bien c'est à cause des gens! Je ne connais pas de peuple plus accueillant et chaleureux que le peuple africain! Les valeurs humaines passent avant tout. C'est d'être plutôt que d'avoir. Il y a toujours du temps pour aider quelqu'un, peu importe les obligations quotidiennes. En Afrique, vous n'êtes jamais seul ou laissé à vous-même.
Il y a tous ces petits moments simples qui s'enchaînent les uns après les autres, qui font que les journées, malgré le fait qu'en apparence, le temps semble tourner au ralenti, passent vite!
Les journées commencent tôt à Simbaya. Pas besoin de réveil matin ici. Le soleil se lève à 7h du matin, 365 jours par années. La Guinée est située sur l'Équateur, donc au contraire de chez nous, ici il n'y a pas de variations d'horaire pour Monsieur soleil. Il se lève à 7h et se couche à 19h, tous les jours, tout le temps... Mais même si le soleil ne se lève qu'à 7h, le train-train quotidien, lui, a commencé déjà depuis plusieurs heures! Ici, tout le monde est réglé sur le même horaire, à quelques minutes près. D'abord, les coqs ne manquent pas de vous tirer de votre sommeil à partir de 4h30 ou 5h du matin. Ils se font compétition, à qui chantera le plus fort pour impressionner ces dames et tout le quartier! Mais on s'habitue et après un certain temps, on ne les entend plus. Ensuite, les femmes commencent à s'activer vers 5h30 ou 6h, parce que tôt le matin, il fait plus frais et on peut accomplir beaucoup avant que les visites de salutations du matin ne commencent.
La journée débute toujours par le balayage de la cour. J'aime me réveiller au son du balai! pshhhhhht, pshhhhhht, pshhhhhhht, pshhhhhhht... un pshhhhhhhht doux et régulier, rythmé. Parce que tout ici a son rythme, chaque tâche se fait d'une certaine façon, et tout le monde le fait au même rythme. J'aime. Après le balai, on allume les charbons de bois pour chauffer le riz de la veille au soir s'il en reste, ou on prépare la bouillie, appelée "saadi" en malinké, toujours à base de riz... c'est un peu comme une pouding au riz sans raisins secs, mais meilleur! Ou sinon, on mange une baguette de pain simple qu'on trempe dans le café.
Ici, le café englobe tous les breuvages chauds qu'on consomme le matin. Ça peut être un kenkeliba, une infusion à base de feuilles de l'arbre du même nom, excellente alternative à l'imbuvable Nescafé et reconnu comme étant un excellent médicament traditionnel pour le ventre. Ou ça peut être un café au lait... Attention, café au lait ne désigne pas celui que vous buvez en Occident! C'est du lait concentré sucré dans de l'eau chaude. Et les Africains y ajoutent du sucre! Parfois on y ajoute du Nescafé. Ou de la poudre pour chocolat chaud... ça devient alors un foscao. Ou ça peut aussi être le fameux Lipton (qu'on prononce Lipiton!), qui est en fait du thé ceylon. Ou bien un café noir, qui est en fait un vrai café infusé, très très fort, un peu comme un expresso mais plus concentré encore, servi dans une mini tasse à expresso et dans lequel les Guinéens sont capables d'entasser des quantités de sucres assez impressionnantes! Et bien sur, vous avez le Nescafé (beurk!).
Souvent, avant même 6h du matin, si c'est une journée où il y a de l'eau, (parce qu'il n'y en a que 3 jours par semaine, le mardi, le jeudi et le samedi), les femmes s'activent pour faire la lessive familiale avant d'aller au marché pour acheter les condiments pour la sauce du jour, qu'on mangera avec le riz...
Ici, pas de grosse Maytag "heavy duty". Deux seaux, un pour laver, un pour rincer, une planche à laver et du savon. Vous avez le choix entre le savon traditionnel, des grosses boules beiges de savon fait main localement, qui sent pas grand chose mais qui est très efficace. Ou les gros blocs de savon blanc industriel, aussi fabriqué localement, du genre à ne pas s'envoyer dans l'oeil au risque de pleurer un bon coup et d'avoir l'oeil qui brûle pour quelques jours (ça m'est arrivé!). Ou le savon commercial en poudre ou en pâte souvent désigné par les appellations "homo" ou "économi", qui sont en fait des marques. (un peu comme nous qui appelons tous les mouchoirs "kleenex") Pas de savon liquide ici. Donc, vous savonnez chaque vêtement et vous frottez, à la main ou à l'aide d'une planche à laver en plastique ou en bois. Et peu importe votre option, il y a une technique! J'ai passé beaucoup d'heures à regarder les femmes laver les vêtements. Je confirme, la technique est la même partout! Ça m'a pris au moins 2 mois pour la maîtriser! Mais je suis devenue intermédiaire.... pas encore experte pantoute! J'ai la bonne technique, mais pour la rapidité, on repassera! Pendant que je lave 3 morceaux, elles en lavent au moins 20!!! Encore quelques années de pratique et j'y arriverai!
Au village, on fait la lessive au fleuve... joindre l'utile à l'agréable!
souvent, les femmes font équipe pour la lessive et s'entraident
Une fois la lessive terminée et que tout est en train de sécher sur la corde ou par terre... Oui, j'ai bien dit par terre! Ici, les brassées de lessive sont tellement volumineuses, impossible d'avoir assez de cordes à linge dans sa cour pour arriver à tout étendre! Alors on fait sécher le linge un peu partout; sur les murets des cours, dans les arbres, au bord des routes, et par terre sur la roche.... mais comme ici la roche est orangée, des fois, vos vêtements prennent de drôles de couleurs! J'en ai même vu qui vont faire sécher leurs vêtements sur la parapet qui sépare les deux voies de l'autoroute!!! Donc une fois que tout est en train de sécher, les femmes se lavent, se changent et partent avec leur panier en direction du marché. Tous les matins, chaque jour! Ici, pas de frigo, sauf pour quelques privilégiés. Mais même s'il y a frigo, il n'y a pas souvent de courant, alors on ne peut pas garder les aliments pour plusieurs jours. 24 heures, 48 heures au maximum s'il y a eu assez longtemps l'électricité la nuit d'avant pour garder un minimum de fraîcheur... donc pas le choix, la viande et le poisson, faut les acheter frais à chaque matin. Le marché est une obligation quotidienne, mais aussi, c'est le moment où les femmes se retrouvent entre elles en dehors de la maison. Elles quittent pour le marché vers 8h30, et ne seront pas de retour avant presque midi! Le marché, c'est aussi la sortie sociale matinale. On marche avec ses amies, sa mère, ses soeurs, ses filles, ses belles-filles, ses voisines... On rigole, on chante, on parle d'une telle qui a fait ça, et de l'autre qui a fait ceci... et au retour, les enfants du voisinage sont souvent mis à contribution pour porter les paquets trop lourds comme les sacs de riz, les bidons d'huile, ou les gros ingrédients comme le manioc ou l'igname. Il y a toujours quelqu'un pour aider ici, je me répète ;-)
Au retour du marché, c'est la popotte générale qui commence! C'est l'heure où ça sent bon partout dans le quartier! J'adore regarder les femmes préparer la bouffe! Là aussi, même modus operandi, tout le monde travaille de la même manière! la façon de couper, de peler, de nettoyer les aliments; mêmes recettes et même efficacité à la tâche! Là aussi, il y a le rythme dans les tâches qui est omniprésent. On pile au mortier à la façon d'un métronome, on dépoussière le riz (on place le riz qu'on veut faire cuire dans un espèce de panier plat tressé, et en y secouant le riz, ça le débarasse de la poussière et certaines impuretés. Ensuite, on trie le riz, toujours dans ce même panier. On vérifie s'il n'y a pas des petits cailloux ou des grains de riz qui ne sont pas bons.), et c'est une musique à l'oreille!
Pssht, pssht, pssht - psh-psh-pssht - pssht, pssht, pssht - psh-psh-pssht! J'aime!
Ici, on prépare par terre, assis sur un petit banc très bas. Pas de planche à couper, on coupe tout directement dans la main. Je me suis coupé à maintes reprises, ça demande beaucoup d'adresse! Et il faut voir les femmes arranger les poissons! Ici, on mange du poisson à tous les jours. Elles sont donc des pros du nettoyage de poisson! La plupart des poissons consommés ici ont des écailles, mais elle vous enlèvent tout ça en deux temps trois mouvements avec un couteau! Les femmes sont belles à voir travailler, j'ai beaucoup appris sur la cuisine africaine en les regardant. Et je ne sais pas comment elles font pour toujours tout cuire à la perfection sur le charbon de bois! Pas évident de maintenir la température voulue, mais elles maîtrisent la chose d'une façon étonnante!
Koulako qui prépare la bouffe
Koulako qui écaille un poisson
Assata qui pile les condiments pour la sauce
Dès que la bouffe est prête, les femmes font le partage. Parce qu'ici, on cuisine rarement pour sa famille immédiate seulement. On cuisine souvent pour d'autres personnes qui n'ont pas les moyens de se nourrir. Un ami, un voisin, une tante... Leur part est toujours réservée dans des thermos qui l'attendront à la maison. Et ici, il y a beaucoup de livraison de bouffe! On met le riz et la sauce dans deux contenants séparés (souvent des contenants thermos de deux formats différents, un petit pour la sauce et un plus grand pour le riz. Ou bien on envoie la bouffe directement dans des marmites de granit de deux formats différents, qu'on va empiler l'une sur l'autre, déposer sur un pagne ou un foulard et nouer sur le haut comme un baluchon.). Souvent, la femme va aller donner la bouffe à son mari sur son lieu de travail, ou va lui réserver sa part à la maison, qu'il mangera à son retour. Une fois le partage de bouffe terminé, on fait la vaisselle et on mange! Presque 100% des familles mangent ensemble à la main à même un grand bol autour duquel on s'assied ou s'accroupit. Dans la plupart des familles, on cuisine un seul plat qu'on mangera le midi et le soir. Alors le jour où vous tombez sur la sauce que vous n'aimez pas, hummm la journée est longue! ;-)
Une fois le dossier bouffe réglé et l'estomac bien rempli, il est déjà 15h! C'est l'heure de la pause et des visites de salutations! À condition d'avoir encore assez d'eau en réserve, sinon, on doit aller remplir ses bidons au forage d'abord. Toute une job! On doit pomper l'eau avec le pied, et c'est vraiment pas facile! C'est cardio! en plus, au gros soleil à plus de 40 degrés celcius, je peux vous dire qu'en deux minutes, vous êtes complètement en sueur et à bout de souffle! Après il faut encore avoir la force et le courage de transporter tous ces beaux bidons et seaux jusqu'à la maison. Heureusement, les enfants finissent l'école tôt et ils sont mis à contribution! Même les plus jeunes, comme ma petite préférée, Fatouma, qui vient d'avoir ses 5 ans. Elle aime travailler, elle VEUT travailler, personne ne la force. Elle prend son petit seau et fait sa part, avec le sourire et la fierté du devoir accompli! Souvent, quand elle arrive à la maison, son seau est à moitié vidé, elle ne maîtrise pas encore l'art du transport d'eau mais elle le fait avec beaucoup d'entrain!
Fatouma, alias N'tuma
Les salutations, c'est entretenir les liens et avoir de la compagnie pour aider à la tâche ;-)
Une fois reposées, les femmes vont encore balayer la maison et la cour, faire un peu de ménage, et vers 20h30, on mange! Une fois le repas terminé, elles ne vont pas tarder à rentrer dormir, parce que demain encore, une longue journée de travail les attend...
Voilà! Je vous laisse sur quelques photos et je vous dis à très bientôt! J'ai tellement à raconter sur la Guinée, ce n'est que le début! Sentez-vous à l'aise de me faire vos commentaires, ça fait toujours plaisir...
Cynthia
Petit Mamady Keita au sangban et Sidafa au doudounba, à une fête dembadon (mariage)
Une inconnue dans une fête
Kanséré et son ami du village, deux danseurs traditionnels de doundounba
Bobley dans sa bulle
Sékou Condé, excellent djembéfola
Fanta Diawara, griotte. C'est elle qui chante "Mafen té" sur un des cd de Famoudou Konaté
Lancinet Condé, joueur de flûte traditonnelle
Kawa, masque de Faranah